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Le courage de la déconstruction

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« Et quand tu veux quelque chose, tout l’Univers Conspire à te permettre de réaliser ton désir. »

Construire sa légende personnelle ! Coelho décrit magistralement ce rêve dans son magistral ouvrage « L’alchimiste » avec un talent incommensurable qui a touché le cœur de millions de gens… Mais, en fait, ils ne sont peut-être pas prêts à nous autoriser ce rêve que décrit Coelho. Bien d’entre eux, pas des moindres, nous renient cette capacité. Des coaches et penseurs de renom transmettent le même message que Coelho et nous rappellent comment certains leaders font pour réussir ces grands paris de la transformation : John C. Maxwell, Robert Sharma, Brendon Burchard, Cheick Anta, etc. Certains articles récents, d’un pessimisme peu désintéressé, prédisent une Afrique embourbée dans le coronavirus, incapable de se lever à la suite de désastres économiques nés de ce fléau, même si l’occident semble menacé par les mêmes perspectives de désastres. Peut-être ! De toute façon, la réalité aura montré que chacun s’occupe d’abord de soi, de sauver son peuple, en dépit des paradigmes de la mondialisation et de l’utilité présumée de pas mal d’organismes internationaux. Il appartient aux africains de prouver le contraire, de se décomplexer, de prendre leur destin en main, ce que le Berger Santiago dans le roman précité ne découvre qu’à la fin de son périple… Derrière les drames de l’Afrique qui motivent certains à vouloir penser et agir à sa place, il y a aussi, et il faut le reconnaître, nos propres avatars, les faiblesses de leaderships incapables de sacrifices et d’héritages durables, cette quasi-impossibilité ou ce refus d’incarner les fameuses lois du sacrifice et de l’héritage.

Mais les africains ne devraient pas trop s’en faire, car ses provocateurs ont la plume et le verbe négatifs ; ils essaient de tuer vos rêves et ambitions, votre désir de « plus-être ». Qu’ils le fassent pour eux, pour leur prise de décision, leurs stratégies futures, leurs intérêts personnels, économiques ou autres, c’est de bonne guerre. Mais que cela ne soit pas une référence qui nous amène à accepter que les autres tirent les leçons à notre place ou à nous percevoir comme des gens sans espoir. A l’heure des connaissances ouvertes et partagées, nous sommes capables – si l’on croit et s’y engage – de mieux penser nos réalités que les fonctionnaires du Quai d’Orsay et le Centre d’analyse, de prévision et de stratégie dont on dit que l’étude évoque « un possible effondrement des Etats africains et que la France serait ainsi à la recherche d’interlocuteurs fiables et légitimes. » Mais, qui doit décider de cette légitimité ? Et cela pose aussi la capacité de refus, de rupture, de réinventer, de penser autrement.

La pensée des autres ne doit pas instaurer le doute et la crainte. J’aime bien ces typologies de l’échec élaborées par ces brillants coaches cités précédemment, échecs dus aux refus de se différencier, d’être original, d’apporter une autre valeur ajoutée, d’innover, de se positionner en « suivistes », d’apprendre, de mener des recherches en profondeur et d’aller au-delà des apparences, d’anticiper et se développer, de ne pas miser sur l’excellence pour mieux affronter les autres, ce que Robin Sharma appelle « Clash Value ». Toutes choses que nous devons assumer pour écrire notre propre page d’histoire. Le grand problème, c’est alors cette capacité à créer cette équipe de rêve et de l’espoir , c’est l’existence de leaders prêts à créer d’autres leaders capables de les accompagner, voire de les remplacer, et qui ont la passion en leurs rêves et projets.

La crise sanitaire actuelle aura mis en évidence nos légèretés du passé, cette énorme négligence du potentiel des gens, de nos compétences distinctives, d’une allocation et utilisation des ressources non optimales. L’on se rappelle brusquement que nous avions une usine capable de fabriquer de la chloroquine, que nous avions un arbre qu’est le « neem » qui a des potentialités thérapeutiques, autant de discussions qui bruissent dans plusieurs pays africains. On constate aussi que malgré les avertissements de certaines experts d’ailleurs, des citoyens refusent d’attendre, d’entendre, de suivre leurs soi-disant prescriptions et fabriquent ce l’on a appelé les masques alternatifs, de gels hydroalcooliques, se tournent vers les pratiques ancestrales, etc. L’on constate aussi que l’école Polytechnique du Sénégal propose un respirateur artificiel et que des étudiants ont fabriqué du gel hydroalcoolique . Autant d’initiatives privées ou de partenariats public-privé possibles avec nos artisans, nos tailleurs, nos petits ateliers, nos jeunes polytechniciens, nos professeurs, nos pharmaciens qui sont quasiment à chaque coin de rue (Voir Coronavirus : à Paris, une pharmacie fabrique du gel hydroalcoolique dans la rue). On découvre que des leviers existent, notamment de petits ateliers, des structures d’innovations, pour notre artisanat, pour nos jeunes inventeurs, pour notre médecine, notre pharmacie, sans doute ailleurs. Sans porter un jugement a priori, l’essentiel est le message : libérer les talents d’ici dont les succès feront boule de neige, fortifier nos compétences distinctives, renforcer la confiance des gens en eux-mêmes et entre eux-mêmes, créer la synergie entre la recherche-développement et nos potentialités endogènes. Certes, tout ceci a besoin d’erreurs, d’échecs, de recommencements, d’encadrement, de leadership, de normalisation, de régulation, de certifications endogènes pour ne pas tomber dans le piège de la paralysie et de l’inaction savamment imposées par d’autres. Le potentiel est là, dormant… Il faut refuser le jeu de normes qui paralysent notre courbe d’apprentissage et notre autonomie à penser et à créer, dans les dédales d’une organisation étatique et d’allocations de ressources improductives qui n’appuient pas de telles transformations. Voilà un grand projet pour un leader transformationnel courageux, créatif et prêt pour la déconstruction dont nous avons besoin.

Ces événements nous amènent à repenser le concept d’enjeux et de secteurs stratégiques : peut-on laisser sa santé à la merci d’entreprises étrangères, de petites choses probablement pas vraiment pas difficiles à fabriquer comme les masques, la nivaquine ? La question vaut probablement pour d’autres secteurs.
Un enjeu, c’est notre capacité à penser en dehors des schémas établis et des paradigmes exogènes. La bonne stratégie réside dans une bataille de l’imagination assumée, dans des stratégies de ruptures, le refus du suivisme et du statut de disciple de l’Occident et le courage de penser un peu, à notre manière, comme les doctrinaires de la rupture, de l’océan bleue, de l’outthinking, de la disruption, comme Cheick Anta Diop et cette nouvelle génération engagée dans l’émancipation africaine, etc. Au lieu de mettre tous nos efforts sur des stratégies guerrières et des marchés piégés que l’occident et des élites africaines soumises vénèrent et dont les règles du jeu ont été façonnées par d’autres, il s’agirait plutôt :
 d’avoir le courage et l’inspiration d’une voie qui sait motiver à penser autrement et à sortir des sentiers battus ;
 de construire des espaces de marché peu ou non contestés par les puissances qui nous paralysent en s’appuyant sur des atouts endogènes que l’occident peut difficilement influencer ;
 de promouvoir et d’investir dans des innovations et potentiels latents ou peu exploités du commerce intra-africain, de l’aquatique, de l’Institut des Technologies Alimentaires, pour le Sénégal, par exemple, de l’artisanat, d’inventeurs ;
 de se positionner sur des marchés vierges ou nouveaux pour capter une nouvelle demande latente ou inexistante, endogène au départ, etc.

Un grand défi, c’est ainsi cette capacité à refuser que les autres écrivent notre histoire à notre place, impératif relevé depuis les premières années de l’indépendance par Cheick Anta Diop (avec ses nombreuses propositions sur l’industrie, l’énergie, etc.), Senghor, chacun à sa manière et quelques autres penseurs africains, ces héros que l’on honore à peine. En fait, une société qui ne reconnait et ne récompense pas ses talents et le mérite adhère à cette adage que « celui qui ne récompense pas le mérite récompense la médiocratie. » Comment alors sortir de ces choix ancrés qui donnent aux politiciens, aux soi-disant porteurs de voix, aux courtisans et transhumants la part belle ? En fait, le leadership transformationnel a pour socle le courage, la franchise, la véridicité, au besoin, la rupture, la déconstruction…

Il nous faut aussi apprendre à être réaliste. On l’a vu : pendant cette crise, chaque état s’occupe en priorité de ses intérêts nationaux. Nous sommes dans un ordre froid et égoïste tenté par les replis identitaires ou géostratégiques, de nouveaux nationalismes et populismes, avec cette architecture des règles du jeu qu’il nous faut déconstruire : une chine usine du monde, un occident imbu de recherche, de science et de capitaux, lieu de services, une Afrique marginalisée… L’Afrique et ses intelligences, voire ses leaders, doivent opter pour la disruption et non dans le « suivisme ». Pour cela, elle doit apprendre la résilience, ce qu’au fond elle démontre à travers ces crises comme le coronavirus et des règles imposées depuis l’esclavage. La souffrance nous change, nous rend plus forts, à travers les défis, les adversités, ce que les scribes de pseudo-stratégies négationnistes auront du mal à le comprendre. Le temps aura raison de leur entêtement !
Sortir de cet enlisement, c’est d’abord avoir le courage d’une stratégie distinctive de rupture, d’assumer le statut de rebelles capables de s’engager dans les batailles du futur, de coordonner ce qui est latent mais qui recèle un potentiel en étant capable de le rendre significatif aux yeux des gens. C’est être capable de se battre sur deux fronts car l’ancien monde où les anciennes réalités sont toujours là, de créer quelque chose à partir de rien, pour ne pas dire du néant. La transformation suppose l’audace de la réinvention par l’innovation, la remise en cause de ce qui se fait ou est admis habituellement, un positionnement stratégique sur des niches uniques, voire nouvelles, etc. Il ne s’agit pas d’émerger, la tête hors de l’eau, mais les pieds au-dedans ! Tout juste bon pour respirer un peu ! Il s’agit d’être, de s’affirmer, de « plus-être ».

Que Gandhi ait ou non prononcé cette phrase, peu importe, puisque certains lui en dénient la paternité. Elle a et doit avoir un sens pour l’Afrique et les africains : « D’abord ils vous ignorent, ensuite ils se moquent de vous, après ils vous combattent et enfin, vous gagnez”.

Abdou Karim GUEYE. Ecrivain essayiste, poète. Consultant international en leadership, gouvernance publique, management public et contrôles. Certified Coach, Speaker and Teacher chez John Maxwell Team. Ancien directeur général de l’Ecole Nationale d’Administration et de Magistrature du Sénégal.

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