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A travers les pérégrinations dans le bois touffu des organisations, cinq principes de performance, d’excellence et de qualité apparaissent :
– une stratégie de proximité ;
– l’adhésion à un projet ;
– l’élargissement et le renforcement du réseau de partenarial ;
– l’impératif du faire-faire ;
– une gouvernance démocratique, entrepreneuriale et systémique.
Certes, des principes rationnels, de bon sens et raisonnables, mais peut-être pas faciles à mettre en œuvre.
I. Un principe de succès, une stratégie de proximité.
Un premier niveau reste la gouvernance démocratique et le style de leadership, contrainte critique de succès, d’excellence et de performance, mais aussi contrainte majeure en Afrique, tant bien encore des gestionnaires semblent préférer les styles de leadership autoritaire ou tout au plus autoritaires bienveillants. Bien des recherches s’accordent sur l’idée que la gouvernance suppose un processus de développement participatif et de coopération avec les organismes de la société civile et du secteur privé, un environnement institutionnel dans lequel les groupes bénéficiaires, le secteur privé, les citoyens, les agences gouvernementales interagissent entre eux, du fait de l’interface entre les secteurs public et privé, de la décentralisation, de la responsabilisation des gouvernements locaux, de la coopération avec les organismes non – gouvernementaux. Souvent, l’on y ajoute l’importance du degré d’implication des populations, du Parlement, des ONGs, voire de la société civile et du secteur privé et la nécessité de mécanismes de mobilisation pertinents.
Ce que l’on découvre en fait c’est que la stratégie de proximité s’était révélée efficace, lorsqu’elle était appliquée au sein de l’entité elle-même, en interne et à l’externe, au niveau de l’environnement, des acteurs, des parties prenantes. C’est ce qu’un doctrinaire du management appelait « le management baladeur », celui du dirigeant près de ses troupes, des usagers, des citoyens, qui rend visite, s’informe, s’ouvre aux autres et à leurs avis. En fait, le management traite depuis longtemps de ces principes, en distinguant le leader dictatorial, du leader autoritaire bienveillant, du leadership consultatif et du leader participatif. On trouve également dans cette discipline, bien des concepts qui prônent la délégation, la négociation et la communication fructueuses, de type gagnant-gagnant. A l’évidence, il est presque impossible de mobiliser des gens qui n’ont rien à gagner.
Appliqué à l’Afrique, ce qui est en jeu, c’est un immense obstacle lié à la conception du pouvoir, de ses attributs, de sa finalité. La proximité suppose l’humilité, un certain degré de dépersonnalisation, la primauté à l’apport d’une valeur ajoutée, une autre forme de leadership qui fortifie l’adhésion à un projet d’excellence.
II. Fortifier, l’adhésion à un projet
L’adhésion à un projet, levier stratégique d’efficience, dépend de la capacité de leaders et des gestionnaires à définir et à développer un cadre global de concertation avec les hommes d’affaires et le secteur privé, les postes d’encadrement supérieur, les populations et les organisations communautaires. A travers les pérégrinations, au cœur des organisations, des projets et des agences de développement, c’est l’une des leçons apprises, en découvrant l’idée de plateforme développée par l’un d’entre eux, érigée en une sorte de charte de base entre le Projet et les populations, permettant de définir et de mettre en œuvre des principes de collaboration et de périodicité des rencontres. Par cette méthode, il est reconnu l’impératif d’une stratégie de proximité permettant le réajustement continu des actions, des projets et des programmes publics, pour fortifier l’adhésion et l’implication des partenaires, des acteurs et des bénéficiaires. En terme de management, voire de gouvernance, toute la question est de savoir comment rendre opérationnelle une telle démarche ?
Au cours des pérégrinations, il est apparu que chaque fois que des résultats appréciables ont été atteints, il y a eu une stratégie explicite visant à fortifier l’adhésion des populations et des cibles aux objectifs. C’est un peu penser comme Charles Garlfield : « L’adhésion à un projet est la source de haute performance ». Et l’on découvre que les projets crédibles intégraient et valorisaient le savoir et la participation des ONG, des associations et regroupements, des partenaires, dans le processus de planification, d’exécution et de suivi-évaluation des projets. Ils savent mettre en action une stratégie d’écoute des cibles, reconnaissent qu’ils existent pour elles et ont été capables de définir une stratégie explicite et formalisée de valorisation des parties prenantes à la réalisation d’une finalité de l’action publique ou d’un objectif économique, social et culturel. L’on découvre aussi que la réussite passe par l’humilité, la satisfaction du besoin d’appartenance et de reconnaissance de soi, des autres, devrait-on dire, dont parlait Abraham MASLOW, source de motivation, vecteur de leadership.
La question pendante est alors comment ériger ces principes en un levier global de gouvernance entrepreneuriale, pour des résultats et des impacts économiques et sociaux, au profit des citoyens, de la société civile entrepreneuriale, des contribuables et des usagers.
En fait, l’enjeu, c’est un leadership qui déclenche les énergies, consolide la foi que ce qui est entrepris est certes difficile, mais vitale. Et alors un défi sous-jacent est alors comment constituer une chaîne d’acteurs qui à leur tour constituent à leur tour une chaîne d’excellence. Par une telle stratégie, toute une synergie a été construite, par exemple, à Dubaï, entre le gouvernement et les hauts fonctionnaires, entre ceux-ci et la société civile entrepreneuriale pour identifier et assumer les grandes initiatives, en discuter et entreprendre, par la suite, sans hésitation et avec courage. Dès lors, l’une des dimensions du leadership devient alors le courage, la résolution et la confiance en soi.
Leadership, management par l’exemple, vision, construction de la confiance des gens en eux-mêmes, communication, stratégie délibérée de visibilité des gens performants en modèles de référence, constituent ainsi les six mamelles de la mobilisation des énergies, des aiguillons qui stimulent la créativité et l’innovation.
Au total, la grande question est comment par le leadership, généraliser, à divers niveaux, l’adhésion à un projet commun et partagé d’excellence, quasi-impossible, sinon tout à fait impossible :
· sans un management par l’exemple qui accrédite que « le temps de la récréation est finie » et qui consolide la confiance en soi, aux autres, à la vision, au projet, au leader ;
· sans une alliance avec des ressources humaines capables d’excellence et de résultats.
Mais des problèmes surgissent et obèrent la performance, lorsque le « leader » ne construit pas fortement la confiance des gens en eux-mêmes, ne rend pas visibles les élites performantes ; lorsqu’il veut rester au-devant de la scène et lui seul, de telle sorte que la vision, à supposer qu’elle soit définie, n’est jamais totalement comprise, voire partagée. En fait, le leader performant doit pousser les gens au-delà de leurs capacités latentes ou potentielles.
III. Elargir et renforcer le réseau de partenarial
Une découverte, c’est l’efficacité et l’efficience de l’élargissement et le renforcement d’un réseau partenarial, par :
– la mise en place de consortium, dans certains zones, par des bailleurs de fonds et des projets locaux qui regroupent les services régionaux, des ONG, des GIE, des groupements, villageois pour la gestion d’une ou plusieurs composantes, soit agricoles ou hydrauliques, soit d’autopromotion rurale, permettant aux services régionaux classiques de reconquérir une légitimité perdue que les riches projets financés par les bailleurs avaient obérée ;
– la prise en compte de l’intervention des services locaux qui ont ainsi apporté leur savoir-faire aux comités inter villageois, fortifiant ainsi le réseau de solidarité entre les agences et les projets encadrés par les bailleurs et les services classiques en régie ;
– la délégation d’activités aux organisations de base renforçant la gestion participative, en leur confiant des tâches rémunérées de maintenance d’ouvrages, de démultiplication des semences, de gestion de paquets technologiques, de travaux d’intérêt public, d’aménagements, etc., tout en donnant aux populations concernées la possibilité d’effectuer des évaluations périodiques, par exemple, au niveau de comités villageois ou autres, habilités, à cet effet.
Au total, les stratégies ci-dessus, lorsqu’elles ont été résolument appliquées, ont permis de démultiplier la synergie des efforts, d’informer et de responsabiliser les acteurs qui désormais concourent à la réalisation d’un même but qui les concernent. Car après tout, ce qui importe, ce sont les résultats et l’impact, et à cet égard, l’art de la stratégie, c’est aussi d’exploiter les synergies entre éléments en interrelation. Elles ont aussi permis d’utiliser, voire de mobiliser des ressources humaines, lesquelles, autrement, seraient léthargiques, en marge de stratégies, de politiques et des projets définis au sommet, face à la pénurie de moyens… En fait, un projet se vend et cela demande tant d’efforts. Le revers, source d’inefficience, d’inefficacité, c’est la non – pérennisation de projets qui disparaissent, remplacés au besoin par d’autres, sans pour autant que le problème que le projet était censé résoudre ne disparaisse à jamais, situation en partie due à l’absence ou à l’insuffisance de stratégie de proximité et d’implication.
Pour celui a bien compris ses cours de stratégie, le management à cet égard invite à exploiter les opportunités et celles-ci existent, pour parler comme quelqu’un dont l’Auditeur n’a plus souvenance, sous forme de gisement de productivité, d’inventivité et de créativité qui sommeillent en chacun d’entre nous ». A cet égard, les cadres logiques sont intéressants, mais ils ne sont que des outils de gestion ; derrière, se meuvent des êtres, dont la culture de l’excellence, des résultats et le sens des défis, constituent les plus sûrs garants de l’excellence. La gestion par les résultats invite à « réveiller les gisement de productivité». Mais pour y parvenir, le management par l’exemple constitue un levier de crédibilité. Qui croirait à une vision, à une série de missions et d’objectifs stratégiques lorsque le manager au sommet n’est pas crédible, n’est pas engagé et ne parvient pas à donner la preuve de son intégrité ? Peu de gens.
Pour un manager, stratège, il s’agit ainsi d’orienter la performance vers les résultats, mais en restant informé. Dubaï exploite judicieusement cette stratégie et promeut toute sorte de forums, d’autres actions telles que les visites surprise du Sheick au niveau des grands projets de l’Etat pour contrôler les progrès réalisés, un networking avec le secteur privé, les hauts cadres dirigeants, la sphère politique, lesquelles communiquent sur de grands choix vitaux pour l’avenir.
Au cours des pérégrinations au sein des organisations, il a paru que lorsque les stratégies de proximité ou d’implications étaient inexistantes ou insuffisamment définies, en tout cas pour certains projets, la gestion s’enlisait dans une approche bureautique et technocratique. Elle devenait lourde et coûteuse ; elle privilégiait les tâches et les fonctions en régie. Planifier devenait un calvaire. Elle ne prenait pas en compte la possibilité de sous-traiter, de faire-faire au lieu de faire soi-même ; elle négligeait les avantages liés aux coûts d’opportunité. La culture ambiante risquait de s’enliser dans le « patrimonialisme », pour parler comme Medar[1]. Alors, l’on découvre que parfois, il faut savoir faire faire aux autres, et par ce biais l’on focalise plus facilement sa pensée et son action sur la stratégie, sur les objectifs stratégiques, sur l’évaluation et le contrôle. Mais faut-il aussi disposer de compétences capables d’anticiper, de faire et d’agir pour ne pas déléguer au chef toute l’action opérationnelle.
Très souvent, c’était là une grande équation et le dirigeant peut arriver à se demander alors : pourquoi ces gens qui m’entourent ont des difficultés à se concentrer sur des objectifs jusqu’au bout ? Et on lui rétorquait : « ton management n’est pas africain », « On n’y arrivera jamais, d’autres avant nous ont essayé et ça n’a pas marché, la loi ne l’a pas prévu, etc. » Est-ce son lot manager qui peut obtenir des résultats tangibles, fiables, vérifiables ? Doit-il se résoudre à la loi de Bennis Warren cet éminent professeur dont la littérature consacre le terme de « pseudodynamisme » qui décrit ces gens qui font semblant de travailler… Doit-il se résoudre au dilemme relevé par le sociologue Diagne entre Modernisation et Modernité ? «
IV. L’impératif du faire-faire
En management, la prise en compte de l’alternative, de l’externalisation, du calcul des coûts d’opportunité est connue, depuis bien des années. La doctrine de la prise de décision rationnelle et les scenarii en management stratégique et opérationnel offrent aussi à cet égard bien des illustrations. Une leçon majeure, c’est la nécessité de prestations individualisables en direction des cibles et l’obligation pour le projet d’apprendre aux gens à faire eux-mêmes et d’apporter des solution originales aux problèmes de synergie. Au cœur de ces voyages au sein des organisations, celles qui étaient les plus performantes avaient mis en place un système de gestion obligeant à de fréquentes réunions avec les partenaires, les organisations paysannes, les groupements d’intérêt économique, les services, par un réajustement constant des orientations, des programmes et des plans d’actions. Par ce processus itératif, d’ajustement stratégique et organisationnel, les gestionnaires acquerraient une légitimité, acceptaient d’apprendre de leurs véritables mandants, ceux pour qui et pour quoi ils existent et travaillent et de recevoir leurs approches critiques et d’écouter, quitte à arbitrer souverainement. Cette option n’est pas toujours facile à réaliser, par exemple lorsque :
· le leader s’érige comme la seule référence et mise sur la stratégie d’alliance pour une meilleure maîtrise du pouvoir, lequel devient ainsi la quasi-finalité ;
· les managers eux-mêmes n’ont pas intériorisé les valeurs et le code de conduite de la haute performance, des capacités suffisantes d’analyse stratégique ; lorsque rien ne les différencie des leaders précités, avec les mêmes comportements d’alliances, d’accaparement ;
· le personnel d’appui attend des ordres et ne dispose pas des ressorts psychologiques pour s’auto-responsabiliser, participer aux initiatives, proposer, assumer et partager un projet, des objectifs, une vision.
L’alliance stratégique précitée dont il est cas n’est pas facilement réalisable, par exemple dans le contexte africain de compétition politique où des dysfonctionnements sont possibles, si la conquête du pouvoir s’accommode de toutes les hérésies possibles, l’essentiel étant d’arriver à ses propres fins, l’accès au pouvoir, aux privilèges, aux facilités. La grande question est alors le possible déploiement d’un leadership qui fortifie l’adhésion à un projet partagé d’excellence, d’un certain nombre de valeurs centrales sur la république, qui permet le déploiement d’un réseau partenarial, la délégation assortie de l’obligation de rendre compte, qui s’intéresse à la stratégie et à la planification stratégique.
V. L’impératif d’une gouvernance démocratique, entrepreneuriale et systémique
A la lumière de l’expérience, un grand problème, c’est « l’égotisme », la capacité d’humilité, à s’oublier, à partager, à gommer le « moi », le « Je », à se focaliser sur des projets, une vision, des résultats et des impacts. C’est aussi, pour l’Afrique, ce qu’est une vraie stratégie d’excellence, comment la formaliser, la diffuser pour une appropriation à l’échelle la plus vaste possible.
Alors prévaut le paradigme que la gouvernance démocratique n’a de sens que si elle tisse un lien avec une vision pertinente et orientée vers des résultats et l’impact, s’il et possible de passer d’une gouvernance hiérarchique à une gouvernance de « catalyse » et entrepreneuriale qui oriente, impulse et motive… La question centrale devient alors la suivante : comment la société peut-elle se prendre en charge et se gérer elle-même, à partir d’une vision catalyseuse et partagée, qui impulse, motive les membres de la société à agir eux-mêmes et à être les acteurs de leur propre développement ? Dans cette perspective, la gouvernance au sommet stratégique doit se focaliser sur le leadership, le contrôle stratégique et l’atteinte de performance. Evidemment, dans les situations de crise, d’indiscipline manifeste ou généralisée, il est possible d’envisager que seul un leadership autoritaire bienveillant et équitable puisse conduire vers des objectifs de performance et d’excellence. En fait le management des organisations intègre depuis longtemps cette question, par exemple l’Ecole de la contingence[2]. En somme, plus une société devient éduquée, instruite, responsable, disciplinée, professionnelle et ouverte aux apports positifs de l’extérieur, plus peut-être le leadership peut être consultatif ou participatif et miser dès le départ sur l’excellence, la qualité, les performances.
Dans tous les cas, un problème central, c’est comment accroître la marge de manœuvre des citoyens, améliorer les modes de dévolution des pouvoirs dans les pays à faible culture démocratique ? Un enjeu, c’est aussi comment l’Afrique peut réinventer des modèles, et pour parler comme Edem Kodjo, jouer un rôle au sein des équations planétaires, ou comme la Grande royale de Cheick Hamidou KANE, dans son fameux roman, « L’aventure ambiguë» « apprendre à se défendre avec les armes du maître ». Il s’agit aussi de sortir d’une lecture restrictive de la démocratie, confinée aux seuls aspects politiques et institutionnels, au risque de retarder encore son développement. La démocratie institutionnelle doit y être économique, sociale et culturelle pour favoriser les attitudes qui lui permettront de relever les défis, de libérer la créativité et l’innovation, les talents, l’action orientée vers les résultats et la gestion dynamique des changements. Consolider et développer la démocratie entrepreneuriale est devenu un enjeu. Mais c’est aussi toute une stratégie…
[1] Médar traite de la question du patrimonialisme ….
[2] L’école du management contingent
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